CORPS
Ce fil que je suivais avec l'empreinte m'a conduite à rechercher des œuvres, des artistes, à réfléchir dans ce sens, à réveiller des souvenirs. Ainsi m'est revenue la mémoire du choc olfactif, sonore et sensoriel qui m'a saisie en découvrant la Monumenta consacrée à Christian Boltanki au Grand Palais en 2010 : le bruit des pulsations, l'odeur saisissante des vieux vêtements entassés, le froid d'hiver dans ce grand hall. Traces de vies, d'empreintes sur et dans les vêtements mêmes de corps qui ne sont plus ou dont les battements de cœur, un jour, ne seront plus, mais qui anticipent par leur empreinte sonore cette étrange présence/absence exacerbée par la multiplication et le volume sonore de l'empreinte cardiaque. Cette œuvre semble réunir à elle seule, en les déclinant, les différentes acceptions du mot empreinte lui-même, rapportées aux cinq sens.
Christian Boltanski nous en propose un commentaire déconcertant :
« Les enfants, on le sait, jouent à mourir, ils jouent égalementà ne jamais devoir mourir. L’installation de « Personnes » serait alors à regarder comme un gigantesque joujou, un objet d’enfance disproportionné. Un jouet inversé, un paradoxe, une miniature géante. Dérisoire monument obtenu par l’exagération enjouée de ce que tout enfant possède au fond de quelque tiroir, dans sa chambre : des vêtements mis sens dessus dessous, en tas, oubliés par la loi de la machine à laver, modestes objets de quelque survivance. Et la petite grue que l’on actionnait du bout des doigts en tournant une manivelle. »
D’autres lectures s’ouvrent, bien sûr, aux yeux du spectateur, plus dramatiques ou plus ludiques, faisant de cette contemplation un voyage inépuisable.
Christian Boltanski – Personnes — Grand Palais — Monumenta — 2010
L’idée du corps m'est venue et s'est imposée à moi dans mon travail. Et c'est la dimension d'intimité la plus grande qui a surgi : la silhouette, empreinte, de mon propre corps. J'ai été invitée à aller au plus intime.
J’ai voulu, en inscrivant au point de croix sur un drap blanc apposer l'empreinte de mon propre corps, tout comme Christian Boltanski, faire surgir des sensations. Amidonner la toile pour en exhaler l'odeur, l'accrocher, comme si je voulais que l'enfant puisse jouer à cache-cache derrière le drap.
Comme si je voulais me retrouver moi-même enfant et retisser, en brodant, ce lien fort avec ma mère.
A.D. – Ombelle - 2013 (220 x 135 cm)